19 août 2024

" des vertes et des pas mûres..."


 
 
choisir entre gourmandise
et la haine des piquants
impossible amour 
____
 
 
 le premier amour
entre jeunesse et vieillesse
jamais ne s'oublie
 
 
 Je suis un coeur coquelicot, délicat, gourmand de poésie, gorgé d’un jus de tendresse.
Je m’épanouis parmi les framboises qui se mirent aux perles de rosée,
les cerises écoutant les rêves aux oreilles des enfants,
les fraises sauvages blotties dans les bois dormants. 
Joli coeur
 
 
 
Aller aux mûres

C’est une balade à faire avec de vieux amis, à la fin de l’été. C’est presque la rentrée, dans quelques jours tout va recommencer ; alors c’est bon, cette dernière flânerie qui sent déjà septembre. On n’a pas eu besoin de s’inviter, de déjeuner ensemble. Juste un coup de télé­phone, au début du dimanche après-midi :

— Vous viendriez cueillir des mûres ?

— C’est drôle, on allait justement vous le proposer !

On s’en revient toujours au même endroit, le long de la petite route, à l’orée du bois. Chaque année, les ronciers deviennent plus touffus, plus impénétrables. Les feuilles ont ce vert mat, profond, les tiges et les épines cette nuance lie-de-vin qui semblent les couleurs mêmes du papier vergé avec lequel on couvre livres et cahiers.


Chacun s’est muni d’une boîte en plastique où les baies ne s’écraseront pas. On commence à cueillir sans trop de frénésie, sans trop de discipline. Deux ou trois pots de confi­tures suffiront, aussitôt dégustés aux petits déjeuners d’automne. Mais le meilleur plaisir est celui du sorbet. Un sorbet à la mûre consommé le soir même, une douceur glacée où dort tout le dernier soleil fourré de fraî­cheur sombre.

Les mûres sont petites, noir brillant. Mais on préfère goûter en cueillant celles qui gardent encore quelques grains rouges, un goût acidulé. On a vite les mains tachées de noir. On les essuie tant bien que mal sur les herbes blondes. En lisière du bois, les fougères se font rousses, et pleuvent en crosses recour­bées au-dessus des perles mauves de bruyère. On parle de tout et de rien. Les enfants se font graves, évoquent leur peur ou leur désir d’avoir tel ou tel prof. Car ce sont les enfants qui mènent la rentrée, et le sentier des mûres a le goût de l’école. La route est toute douce, à peine vallonnée : c’est une route pour causer. Entre deux averses, la lumière avivée se donne encore chaude. On a cueilli les mûres, on a cueilli l’été. Dans le petit virage aux noisetiers, on glisse vers l’automne.

Philippe Delerm, 
La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules

 
 
 Vert jaune ou grenat
sur les ronciers qui murmurent
la fin de l’été

MissYves
 
 
 

25 commentaires:

  1. Question épineuse : à la mi-août les mures et les noisettes se dégustent-elles !

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  2. C'est tellement joli et bon. Mais je hais les épines !!
    Je fais simple, j'achète de la gelée :o)

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  3. Excellent ! ce titre. Bravo Fifi !
    Les différentes teintes des mûres me font penser à l'évolution du sentiment amoureux.
    Les vertes années de la jeunesse, la vie en rose des amitiés, puis le rouge vif de la passion tumultueuse,
    auquel succède le calme de la maturité.

    le premier amour
    entre jeunesse et vieillesse
    jamais ne s'oublie

    Douce fin d'août Fifi, je t'embrasse

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  4. C'est vrai, j'ai souri quand cette expression m'est revenue en tête en voyant la photo. Il ne m'en faut pas plus pour être contente :-))
    Merci pour le haïku qui compense allégrement "l'amour impossible" du premier :-)
    Pour toi aussi douce fin du mois d'août, Tilia !
    Les températures permettent maintenant de sortir et de profiter un peu mieux de l'été.
    Je t'embrasse

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  5. ... et qui s'y frotte, s'y pique! Mais la gourmandise vaut bien quelques sacrifices!
    Bonne journée.

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  6. plein de ces haies par ici...oh que je n'aimais pas ..
    sur le net ....
    Je suis un coeur coquelicot, délicat, gourmand de poésie, gorgé d’un jus de tendresse.
    Je m’épanouis parmi les framboises qui se mirent aux perles de rosée,
    les cerises écoutant les rêves aux oreilles des enfants,
    les fraises sauvages blotties dans les bois dormants.

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  7. Très joli titre et merveilleuse photo Fifi. C'est d'un beau :-)
    Gros bisous et bel après-midi en attendant que les mûres mûrissent ♥

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  8. Bravo pour le titre,
    et en plus , tu nous en fais voir de toutes les couleurs (vert, jaune pâle, rouge vif, bordeaux, violet)!

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  9. Aller aux mûres


    C’est une balade à faire avec de vieux amis, à la fin de l’été. C’est presque la rentrée, dans quelques jours tout va recommencer ; alors c’est bon, cette dernière flânerie qui sent déjà septembre. On n’a pas eu besoin de s’inviter, de déjeuner ensemble. Juste un coup de télé­phone, au début du dimanche après-midi :

    — Vous viendriez cueillir des mûres ?

    — C’est drôle, on allait justement vous le proposer !

    On s’en revient toujours au même endroit, le long de la petite route, à l’orée du bois. Chaque année, les ronciers deviennent plus touffus, plus impénétrables. Les feuilles ont ce vert mat, profond, les tiges et les épines cette nuance lie-de-vin qui semblent les couleurs mêmes du papier vergé avec lequel on couvre livres et cahiers.

    Chacun s’est muni d’une boîte en plastique où les baies ne s’écraseront pas. On commence à cueillir sans trop de frénésie, sans trop de discipline. Deux ou trois pots de confi­tures suffiront, aussitôt dégustés aux petits déjeuners d’automne. Mais le meilleur plaisir est celui du sorbet. Un sorbet à la mûre consommé le soir même, une douceur glacée où dort tout le dernier soleil fourré de fraî­cheur sombre.

    Les mûres sont petites, noir brillant. Mais on préfère goûter en cueillant celles qui gardent encore quelques grains rouges, un goût acidulé. On a vite les mains tachées de noir. On les essuie tant bien que mal sur les herbes blondes. En lisière du bois, les fougères se font rousses, et pleuvent en crosses recour­bées au-dessus des perles mauves de bruyère. On parle de tout et de rien. Les enfants se font graves, évoquent leur peur ou leur désir d’avoir tel ou tel prof. Car ce sont les enfants qui mènent la rentrée, et le sentier des mûres a le goût de l’école. La route est toute douce, à peine vallonnée : c’est une route pour causer. Entre deux averses, la lumière avivée se donne encore chaude. On a cueilli les mûres, on a cueilli l’été. Dans le petit virage aux noisetiers, on glisse vers l’automne.



    Philippe Delerm, La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules

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    1. Merci Miss pour cette merveilleuse trouvaille ♥♥♥

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    2. Re-trouvailles sur les rayons de ma bibliothèque !
      MissYves

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    3. Vert jaune ou grenat
      sur les ronciers qui murmurent
      la fin de l’été

      MissYves

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    4. Vert jaune et grenat
      sur les ronciers qui murmurent
      la fin de l’été
      MissYves

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    5. Si le commentaire ne s'affiche plus immédiatement Miss, c'est que j'ai enclenché la modération comme toi.
      Quelques intrusions pénibles. Je crois que je vais laisser la modération en place.
      Ne t'inquiètes pas si tu ne vois pas ton commentaire tout de suite

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  10. Incroyable ! J'ai envie de les cueillir par écran interposé !
    L'image est tellement belle !!!
    Et le titre si bien choisi :-)
    Que l'été se poursuive agréablement.

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  11. Oui, des vertes et des pas ..."framboises noires"! Non, ça ne marche pas! Cela ne marche qu'avec les "mûres"
    La photo est juste magnifique, merci Fifi pour sa poésie!

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  12. J'ai été très fière de moi quand j'ai constaté que l'image correspondait à l'expression :o)

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  13. J'y suis allée souvent en vacances dans le Berry, dans mon enfance.
    On les mangeait sitôt cueillies et on revenait à la maison la bouche toute bleue.
    De bien jolis textes accompagnent cette magnifique photo.
    Belle journée et gros bisous !
    Claude

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  14. les fiançailles tout en humour de l'image et des mots !! bravo...
    clin d'aile solilouvé

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    1. Merci pour le clin d'oeil, dame louve !
      Parfois on a de la chance et les choses s'assemblent :-)

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  15. C'est plus beau de le dire avec des mûres qu'avec des roses, je trouve.
    On garde le piquant quand même....héhé.
    Un beso dame Fifi

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  16. Excellent titre pour ce billet d'été, Fifi.

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  17. Un texte piquant et goûteux, comme je les aime !
    Merci Fifi

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  18. Elles étaient tentantes ces mûres mais pour les confitures il valait mieux attendre un peu pour avoir plus de profit à les cueillir quant à risquer les piqures. Pour l'harmonie des couleurs c'était par contre le bon moment
    :-)

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